Pour solde de tout compte

DOUCHKA : Premier souvenir : vers l’âge de trois ans je quitte l’institution et je fugue sur l’autoroute.
AMBRE : Deuxième souvenir : nous sommes cachées derrière un piano dans une grande salle, nous avons 4 - 5 ans. Soudain, une voix nous dit :
DOUCHKA : « Vous serez signalées à la Protection de l’Enfance ! Faire des manières à votre âge ! »
AMBRE :« Quelle honte ! Si jeunes et déjà lesbiennes »
TANIA : C’est quoi une lesbienne ?
LE NARRATEUR : Au commencement il y a les couloirs d’un foyer. Quelques enfants abandonnés tentent tant bien que mal, de rester des enfants. Ces gosses-là ne sont pas des orphelins. Musellement de la honte et de la haine, violences, indifférence. Il aurait peut-être mieux valu, pour certains, que leurs parents soient morts et enterrés.
Troisième souvenir : des toilettes exiguës, un rideau rouge décore la fenêtre, une grande réserve de rouleaux de papier de toilette, et dans la poche de Douchka, une boîte d’allumettes. Puis, de la fumée, beaucoup de fumée, le rideau en flammes, et elle, assise sur les toilettes. Elle entend des cris. La porte s’écroule, une main la saisit par les cheveux, arrivent les gifles. Une éducatrice hurle qu’elle en a marre d’elle, que d’une façon ou d’une autre elle finira putain comme sa mère.
DOUCHKA : Je découvre que j’ai une mère.
TANIA : C’est quoi une putain ?
(extrait de l’adaptation théâtrale)

© Mercedes Riedy

Presse – extraits

24Heures, 11 octobre 2001, Michel Caspary
(…) Un spectacle vif, mais jamais agressif, alternant tendresse et cruauté. Il y a quelque chose de miraculeux dans le fait que cette femme d’une trentaine d’années soit encore en vie ; il y a aussi quelque chose de miraculeux dans ce spectacle, où la prise de parole tient en parallèle du témoignage et de l’acte théâtral.
Sans doute la première force de Pour solde de tout compte réside dans l’adaptation du livre. (…) Maureen Chiché, Anne-Frédérique Rochat et Kareen Lang se partagent en une polyphonie complice et magnifique les propos de Douchka, mais aussi ceux d’autres personnages. (…) Georges Brasey a su garder l’écriture instinctive du livre, en y ajoutant une patte personnelle adéquate. Il y mêle ses propres questions sur l’enfance et le monde, sur le rôle des adultes dans leurs devoirs d’éducation et de protection. Comme une perpétuelle confrontation entre l’innocence et la mort, entre l’espérance et la désillusion.
(…)
Deux bancs pour éléments de décor, et c’est tout ou presque. Les comédiens marchent sur un sol inondé aux couleurs entre ciel et enfer : quelques centimètres d’eau, symbole de vie, ainsi piétinée.

Le Temps, 15 octobre 2001, Anna Holer
Douchka Doumier, qui a vu le spectacle lors d’une répétition, précise qu’elle a « vécu, pas survécu ». La différence, qui se retrouve dans l’adaptation de Georges Brasey, est fondamentale : elle s’appelle dignité et rage de vivre.
Le Courrier, octobre 2001, Sandra Vinciguerra
(…) Les projecteurs s’allument et le sol rouillé de la scène apparaît couvert d’eau. Les comédiens surgissent d’un coup, traversent cette étendue d’eau et s’asseyent sur des bancs. (…) Pendant plus d’une heure ils passeront au public les mots de cette ex-prostituée de nos villes romandes.
(…)
Malgré une utilisation esthétisante de la musique, la mise en scène de Georges Brasey étonne par sa simplicité et son calme. On l’admire d’éviter la démesure pour faire sienne cette réplique de Douchka : « Les hurlements sont dedans ».
(…)
Les mots circulent naturellement entre les comédiens et la salle , sans appartenir à personne, sinon à l’auteure Douchka Doumier. Les qualités scéniques de Pour solde de tout compte en font un modèle pour l’adaptation de témoignages au théâtre.